Alors que les débats éthiques font rage sur le rôle de l'intelligence artificielle en art et dans l’aide aux devoirs pour les élèves, Sid Ahmed Selouani se concentre plutôt à développer des applications industrielles et améliorer la qualité de vie des gens.
Avec son Laboratoire de Recherche en Interaction Humain-Système (LARIHS), au campus de Shippagan de l'Université de Moncton, il utilise l'apprentissage automatique pour faire progresser l'interaction humain-système, avec des sujets aussi variés que la reconnaissance des émotions, de la parole pathologique et du langage, l’automatisation de la télépathologie et l’assistance intelligente aux robots industriels.
L'apprentissage automatique dans les systèmes cyber-physiques, c’est-à-dire les systèmes qui intègrent des composants physiques et numériques, s'appuie sur des algorithmes complexes pour prendre des décisions et s'engager dans des actions dans le monde réel.
« Si je veux, par exemple, aider une personne qui a des difficultés à prononcer des mots, dit Selouani, suite à un accident vasculaire cérébral, par exemple, et elle ne peut prononcer que des bribes de mots, on intervient avec des algorithmes qui permettent de comprendre comment la personne s’exprime et qui remplacent certains mots ou segments défectueux pour générer du texte ». Tel est l'objectif d'une entreprise fondée sur les recherches du LARIHS : commercialiser un logiciel qui fournit aux personnes souffrant de troubles d’élocution un interprète pour les aider à communiquer. Il pourra même générer un son dont la tonalité est proche de celle de la personne concernée. Le logiciel aidera également les médecins à suivre les patientes et patients, à voir leur évolution et à faire la rééducation.
Cependant, pour qu'un algorithme puisse discerner des paroles inintelligibles, il doit d'abord acquérir de l’expérience à écouter les humains parler. Cela nécessite énormément de données, d'analyses et de comparaisons, parfois même des millions de paramètres. Il faut alors des systèmes de superordinateurs de pointe, comme ceux fournis par ACENET et l’Alliance de recherche numérique du Canada, pour donner à l'algorithme la puissance de traitement et la capacité de stockage nécessaires pour effectuer les calculs requis. « Notre capacité de calcul a augmenté de 10 à 15 fois avec ACENET », précise-t-il.
Une telle puissance de traitement présente plusieurs avenues de recherche. Selouani et son équipe d’une vingtaine de personnes composée de post-doctorants, d’étudiantes et d’étudiants de tous les cycles et de personnel de recherche qui ont de nombreux projets en cours, chacun avec ses propres sous-projets.
LARIHS travaille, par exemple, sur un projet visant à apprendre aux robots industriels à trier les huîtres. Leurs algorithmes peuvent leur permettre de distinguer les huîtres vivantes des mortes et sélectionner les calibres désirés. Le laboratoire travaille également à l'optimisation des chaînes télépathologiques, c’est-à-dire la classification des tissus et des échantillons biologiques humains à distance. En traitant les images extraites d’analyses de biopsies, nous pourrons mieux détecter les anomalies dans les images numérisées, ce qui aiderait ainsi les médecins dans leurs évaluations.
Les possibilités d’application semblent innombrables. Alors, comment faire tenir tout cela dans un seul laboratoire ? « Notre savoir-faire, explique-t-il, que nous avons développé durant les 20 dernières années, est que nous sommes capables d’utiliser des algorithmes que nous avons développés pour une application afin de les adapter à une autre. »
Printemps 2023